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Histoire des aménagements de la vallée de la Truyere

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A l'occasion des 90 ans du barrage de Sarrans en 2024, nous vous proposons le redécouvrir le texte  édité par le  très beau magazine Patrimoni, en vente à la boutique du Chalet du lac .

La Truyère.   Ici , la main de l’Homme a écrit l'Histoire.

La Truyère au nord du département de l’Aveyron, est une des rivières les plus hydro électrifiées du pays. Durant tout le 20° siècle, elle a fait l’objet de travaux gigantesques qui l’ont façonnée,  comme on elle se donne à voir aujourd’hui.

Nous vous proposons ici un apercu historique de cette épopée:

18 juin 1933 :

Le plus grand chantier d’Europe du moment va prendre fin. Le Président De La République Française, Albert Lebrun, va venir visiter le barrage de la Cadene et l’usine de Brommat au Brezou qui viennent d'être achevés. Des finitions sont encore en cours sur le Poste Source  de Ruyeres. Le grand barrage de Sarrans, quant à lui, devra attendre quelques mois pour être entièrement terminé. 

Les Forces Motrices de la Truyere (FMT) auront relevées ici un défi de taille: la création, en quelques années, du  plus important complexe hydroélectrique de France.  Les ouvriers, alors venus de toute l'Europe (italiens, espagnols, portugais, serbes, polonais..) vont bientôt rejoindre d’autres chantiers, ou rentrer dans leurs pays d'origine.Certains resteront sur ce territoire. Ils seront pour des dizaines d’années, avec leurs descendants, la mémoire vivante de la construction des usines hydroélectriques de  Brommat/Sarrans sur la Truyere.

Sur le versant sud du Massif du Plomb du Cantal, l'Homme à depuis fort longtemps su dompter la force de l’eau des rivières et des torrents avec la construction de moulins.

Le début de l'histoire de l'hydroélectricité dans la vallée est le fruit d'un homme exceptionnel. Au 19 eme siècle, Le Père Robert à la Deveze, près de Therondels, à la confluence du Brezons et de la Truyere, est un véritable pionnier. Il installe là une petite usine hydroélectrique afin d’éclairer l’hôpital et la carderie qu’il a fondé.

Bien avant la première guerre mondiale, des ingénieurs de diverses sociétés recherchent des sites stratégiques sur les rivières du Massif Central pour implanter des ouvrages hydroélectriques afin de produire la « Houille Blanche », et compenser l’approvisionnement énergétique saisonnier des premières installations hydroélectriques Alpines.

En effet, les rivières du Massif central connaissent de fortes crues en hiver. Les dompter permettrait un équilibre avec les ouvrages Alpins déjà en place connaissant des débits plus importants d’avril à septembre. Les ressources électriques françaises seraient alors en partie stabilisées.

La Truyere et ses 3380 km2 de bassin versant, suscite donc un grand intérêt des le début du 20°s. Cette rivière qui prend sa source en Lozère,  traverse des sites aux particularités géologiques intéressantes et possède une déclivité relativement importante. A l'entrée des gorges, non loin de la première usine du Père Robert, elle dégringole jusqu’à Entraygues. Un dénivelé de plus 300 mètres est même identifié entre Sarrans et Le Brezou. Enfin son débit est très particulier, puisque le rapport entre ses valeurs extrêmes est de 600! Ce chiffre impressionnant séduit les ingénieurs... La Truyere sera donc le théâtre d'une métamorphose.

Tirer parti des caractéristiques particulières de la Truyere a donc été l’objectif des ingénieurs qui ont réfléchi à différents projets qui vont se succéder. Plusieurs vont être étudiés. Le  premier date de 1907 : présenté par la société Loucheur & Giros, il prévoyait un barrage d’une 15 de mètres de hauteur.

  La Grande Guerre le stoppera dès sa genèse. Loucheur & Giros deviendra par la suite la Société Générale d’Entreprises (SGE). (et aujourd’hui le groupe Vinci.)

Le troisième projet sera retenu et SGE créera une filiale dédiée à ce chantier en particulier: les Forces Motrices de la Truyère (FMT). 

Les rencontres avec les propriétaires fonciers qui seront expropriés débutent, alors que l'agenda des Grands Travaux se met en place. Il nous est très difficile d’imaginer aujourd’hui les réactions qu'ont dues susciter la présentation de ce projet industriel auprès des fermiers et des habitants de la vallée…

Les travaux débuteront en 1927, la société des FMT ayant due entre temps procéder à une augmentation de son capital pour faire face à cet investissement majeur. L’ensemble du complexe hydroélectrique va constituer en la réalisation de  plusieurs ouvrages, soit, d'amont en aval:

- le Barrage-usine de Sarrans, près du hameau de Sarrans - Grand réservoir du complexe.  

- le barrage de dérivation de la Cadene , prés du lieu dit de la Cadène- Dérivation des eaux de la Truyere vers la vallée de la Bromme.

- le barrage auxiliaire de la Bromme - Dérivation des eaux de la Bromme & de la Truyere vers l'usine souterraine de Brommat. 

 - l’usine souterraine de Brommat, au lieu dit du Brezou - Fin des travaux en 1933

Dans le détail, le Barrage de Sarrans constitue un immense réservoir de 300 millions de m3 d'eau. Il se situe à l'endroit même où la Truyère se trouve encaissée entre les parois granitiques et se referme en gorges. Ce barrage de type poids est constitué de 12 blocs de 16 m d’épaisseur, ce qui représente 450.000m3 de maçonnerie. D’une Longueur en crête de 225 m, d’une épaisseur en pied de 75 m et d’une hauteur sur fondations de 113 m, il est encore aujourd’hui l’ouvrage majeur de la Truyère. Sa hauteur de chute maximum est de 93 m. 

 Pour la construction, douze sondages sont effectués. Certains feront jusqu'a 35 m de profondeur. Deux galeries vont être percées pour analyser la solidité de la roche dénommée à cet endroit là, en rive droite, « roche perdriere ». C’est sur cette roche granitique que l’ouvrage trouvera son terrain d'assise. Deux batardeaux avec canaux de dérivation ont été construits et ont permis d’assécher le lit de la rivière et ainsi de réaliser les fondations du barrage. Le batardeau amont est à lui un seul un petit barrage avec ses 15 m de hauteur.Un système de ponts aériens par câble est mis en place afin d'acheminer les matériaux nécessaires à l'ouvrage :

 - avec la carrière de Cantoinet en rive droite, pour la roche  et le sable

- avec la gare de Polminhac dans le  Cantal pour  le ciment. 

IL faut imaginer le spectacle  impressionnant de ce ballet incessant de bennes, avec un débit  maximum de 28t /heure, sur ce pont aérien franchissant monts et vallées à la vue des paysans travaillant dans les champs en contre bas …Une fois les matériaux concassés et le  béton produit dans l’usine du Bousquet, un vaste système de goulottes a été réalisé pour l’acheminer au plus prés de l'ouvrage. Les ouvriers qui dirigent ces goulottes, à 150 m au dessus du sol, bravant le vertige sont d’ailleurs dénommés des goulottiers.

Trois turbines Francis à axe vertical de 34MW chacune seront installées dans l'usine de Sarrans.

En aval, Le barrage de la Cadene  quant à lui, est construit en 1932. Son rôle est de dévier les eaux de la Truyere vers celles de la Bromme.

 Une retenue est constituée par le barrage auxiliaire de la Bromme. La prise d'eau de ce dernier alimente directement l’usine souterraine de Brommat. Les jonctions entre les vallées de la Truyere et de la Bromme sont possibles grâce à un premier tunnel de prés 6 km de longueur avec une section de 30 M². Le deuxième tunnel à pour vocation d'alimenter l'usine souterraine. Il mesure 1,7 km de longueur et il débouche sur 2 puits verticaux de 4m de diamètre chacun.Tunnels et puits son creusés à même la roche dans le massif granitique. Ces dérivations successives permettent de conserver un maximum de hauteur de chute à l'usine de Brommat tout en récupérant la plus grande quantité d'eau possible.

 En découle une hauteur de chute vertigineuse de 260m à l’usine de Brommat. L’eau alimente 6 turbines. Toutes d'une puissance identiques (29 MW par groupe), mais aux origines diverses: 3 sont françaises et 3, de marque AEG, sont fournies par l’Allemagne au titre des dommages de la première guerre mondiale.

L’usine, mise en service en 1933, est aujourd’hui encore d’une exceptionnelle beauté. Entièrement revêtue de mosaïque, de style art déco, elle se trouve à 300 m sous terre et à 800 m de la paroi. Ces dimensions impressionnantes (75 m de longueur, 29 m de hauteur et 22 de largeur) en font une réalisation extraordinaire.

En automne 1933, les vannes du grand barrage de Sarrans vont bientôt être fermées. Les eaux vont pouvoir monter, les maisons, hameaux, fermes ont toutes été vidées de leurs habitants et de leurs animaux. De nouveaux bâtiments ont été construits à la Deveze pour accueillir les pensionnaires de l’hôpital. La petite usine du père Robert sera elle aussi noyée...  Des entrepreneurs exploitent les bois, mais la montée des eaux va être si rapide et soudaine, due aux pluies diluviennes de cet automne 1933, qu’ils ne finiront pas leur travail. 

Le 5 novembre, l’eau est montée de 4 m/heure. A la fin de l’hiver, en mars 34 la cote maxi est atteinte, près de 1000 ha sont noyées. 

Pour la construction des différents ouvrages, 3000 ouvriers venus de toute l’Europe ont rejoints la vallée à la Cadene et au Brezou.  Des baraquements, pensions et cantines sont mises en place. Les écoles  du secteur sont agrandies, d’autres construites. Une chapelle est  même édifiée au Brezou. Une « maison de société » dénommée : « A Mon Plaisir » est également ouverte… ! La gendarmerie de Mur de barrez est transférée à la Cadene pour assurer la sécurité du lieu et des ouvriers.

Les conditions de travail et de sécurité étant sommaires, beaucoup d’accidents dont certains mortels, surviendront malheureusement durant le chantier. 68 décès sont enregistrés mais la cause, accidentelle ou non, n’est pas toujours indiquée. Les tombes du  cimetière de Ruyeres  en témoignent  toujours aujourd’hui….

A Ruyeres justement,  le Poste Source est construit. Plusieurs lignes sont mises en place, 200.000 volts vers Paris, Nantes et l’ouest, 150.000 volts vers Clermont, Mulhouse, Strasbourg, 200.000 volts vers st Etienne, Lyon et Marseille. Un film sur ce gigantesque chantier a été réalisé, il passe dans les salles de cinéma, son titre est évocateur : « Terre Soumise ».  

Durant la 2° guerre mondiale, vu l’importance stratégique du site, les allemands occuperont les ouvrages de Sarrans, Ruyeres et du Brezou. 

A la fin de cette période, avec le programme du Conseil National de la Resistance, les FMT seront nationalisées et intégreront La nouvelle société publique : Electricité de France.

Aujourd’hui le barrage de la Cadene n’existe plus.  Seuls quelques vestiges subsistent, dont la base de l’édifice que l’on devine parfois.

Dans  les années 70, le système de dérivation a laissé place au barrage de la Barthe, à un nouveau tunnel de 10km et à une deuxième usine souterraine dite de Brommat 2, construite près de la première. Un groupe de 240 MW est installé, un des plus importants de France. 

Le barrage de la Bromme n’est donc plus en activité également, il est par contre toujours debout, et peut s’apercevoir du belvédère de Bars avec un immense trou pour laisser passer les eaux de la Bromme. 

A Sarrans, dans les années 80, un suréquipement avec une nouvelle turbine de 67 MW est installée. 

L’histoire de ce gigantesque chantier du complexe hydroélectrique de Brommat Sarrans, patrimoine industriel identitaire de l'Aveyron, continue à s’écrire. 

Ici, plus qu'ailleurs, la main de l’homme s’inscrit toujours  dans cette vallée et dans ces gorges de manière prégnante.

D. T/ L.G.

L'exposition réalisée par EDF est proposée tous les étés par le village de Thérondels, elle informe et explique précisément le complexe, à partir de divers documents, de dvd reprenant le film « Terre Soumise » de 1933 et de photos d’époque (en particulier les magnifiques clichés de la collection du photographe officiel des FMT, Mr  Vayre) . A voir également le  parcours extérieur  autour de l'Eglise et du château de Brommat sur l'épopée industrielle de la Truyère.                                  

 Bibliographie :

-Merci au très beau  livre écrit par Annick et Louis le Bal , les Capujadous, association des ainés ruraux de Lieutades 15 

-Les installations hydro-électriques géantes de la Société des Forces Motrices de la Truyère Maurice Gariel . La Revue de géographie alpine 19

Pour les plus jeunes intéressés par le sujet: site du dispositif du Métier Etude Energie au collège du Carladez à Mur de barrez:

Métier de l'énergie au collège de Mur de Barrez - Développement EDF, une rivière, un territoire - Rodez (developpement-edf.com)

Parcours avenir - MEE - 3° - métiers EDF - Espace Orientation - COLLEGE DU CARLADEZ (mon-ent-occitanie.fr)

 

Merci à Gerard Pioche d'avoi mis ce fllm en lien sur le Web, dommage qu'EDF ne veuille pas le ressortir en DVD!!

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